„La mafia uccide, il silenzio pure.“ — Peppino Impastato

Djeha, l’homme prudent

[Conte extrait de « Contes des sages et facétieux Djeha et Nasreddine Hodja » recueil publié par Jean Muzi chez les éditions SEUIL – En Italie Publié chez « L’ippocampo »]

Un homme prudent

Des gens du quartier mariaient leur fils. Djeha se rendit à la noce. La dernière fois qu’il était allé à une fête, quelqu’un lui avait volé ses babouches. Au lieu de les laisser à la porte, il préféra, cette fois, les fourrer dans la poche intérieure de son vêtement.
– Quel est le titre du livre que tu caches dans ta poche? Lui demanda un érudit qui semblait s’ennuyer parmi les nombreux convives, peu préoccupés de converser.
– « Un homme prudent ».

– Je n’ai pas lu cet ouvrage. Dans quelle librairie l’as-tu acheté?
– Je l’ai trouvé chez un marchand de babouches.

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[Conte extrait de « Contes populaires en Italie »  par Marc Monnier édité par G.Charpentier en 1880]

Giufà et le bonet rouge

Un jour que Giufà s’était fait habiller à neuf et coiffer d’un beau béret rouge, il se demanda non sans inquiétude comment il s’y prendrait pour payer les marchands.

Pour se tirer d’affaire, il fit le mort et se coucha sur un lit, les mains en croix et les pointes des pieds en l’air. Les marchands vinrent le voir et dirent tour à tour en le voyant :

— Pauvre Giufà, tu me devais telle somme pour les bas, les culottes, les pantalons, le bonnet (etc.) que j’avais fait la sottise de te vendre, je te les bénis (je te remets ta dette).

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Castiglione di Sicilia, église byzantine Santa Domenica

On porta le prétendu mort dans une église où il devait passer la nuit, selon l’usage, dans un cercueil découvert.

Entrèrent à la brune des voleurs qui venaient partager le butin de la journée*. Les voleurs vidèrent leur sac sur une table où roulèrent des monnaies d’or et d’argent qui couraient alors** comme de l’eau. Le partage fait, restait une piastre que le chef de la bande ne savait à qui donner; chacun la réclamait vivement, et la discussion eût pu finir à coup de couteau; mais l’un des voleurs eut une idée lumineuse.

— Il y a ici un mort, dit-il en montrant Giufà; prenons-le pour cible, nous allons tous tirer sur lui, le visant bien, avec nos escopettes, et celui d’entre nous qui lui mettra une balle dans la bouche aura l’écu.

La proposition plut aux voleurs, qui préparèrent leurs armes. Aussitôt Giufà, qui par bonheur avait bonne oreille, se dressa sur ses deux pieds dans sa bière et cria d’une voix tonnante :

— Morts, ressuscitez tous!

On peut se figurer la terreur des malandrins, qui s’enfuirent à toutes jambes en laissant sur la table les pièces d’or et d’argent.

Et Giufà trouva là de quoi payer son beau béret rouge.

* : On trouvera peut-être que les voleurs siciliens, qui sont des hommes fort dévots, choisissaient un singulier endroit pour cette opération. C’est que les églises d’Italie sont moins austères que les nôtres (ndr: des églises françaises) ; elles servent aux rendez-vous d’affaires ou d’amour ; on y entre pour se promener, faire sa sieste, ou regarder les jolies femmes, pour s’abriter du soleil et de la pluie, ou tout simplement pour passer une heure comme dans un café bien décoré qui ne coûte rien. D’ailleurs on a le confesseur sous la main, prêt à donner l’absolution, et la madone est toujours pleine de compassion pour le pauvre monde

** : Cet « alors » est de Rosa Brusca, qui raconte l’histoire et qui n’aime pas le papier-monnaie.

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